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Lalee

  • Percutes-moi, Lalee ! Percute ! Double !

 

Lalee envoya sa jambe frapper deux fois à la hauteur de la cuisse de Cole. Il était enveloppé de protège-tibias et s’était armé de support à chaque bras dans lesquels la jeune fille tapait avec hargne. Tous deux étaient dégoulinants de sueur, sur le tapis principal du gymnase. Lalee avait abandonné son uniforme ces trois dernières semaines pour un short court et un débardeur. Cole se contentait de son pantalon, délaissant ses t-shirt dès les premières heures d’entrainement. Il envoya un coup sec vers la tempe de ‘Lee qui leva son bras pour un blocage. Cole repoussa le bras, la réprimandant :

 

  • Tu me regardes dans les yeux, Lalee ! Je suis devant toi, pas par terre ni derrière ! Double !

 

Elle recommença à donner deux coups de pieds, sa jambe percutant les protections de Turner qui ne bronchait pas sous les impacts.

 

Cole avait tenu parole ; avant l’aube jusque tard le soir, il entrainait la jeune fille sans relâche : combat rapproché, précision, dissimulation, musculation. Tout y passait. Le matin, ils se retrouvaient dans la Grande Salle, sortant du QG pour courir, ce qui permettait à Lalee de prendre en assurance dans les milieux hostiles. La première semaine fut désastreuse : elle ne cessait de tomber, de se cogner. Cole, devenu étrangement patient, prenait le temps de lui expliquer ses erreurs. Il avait ralentit sa propre allure, pouvant se le permettre étant donné qu’il connaissait tous les recoins des sous-bois, pour faciliter l’exercice à son élève. Ne manquant pas d’endurance, Lalee n’avait dû combattre que son souci de repérage et de concentration.

 

  • Ton bras doit être collé que tu défendes ou attaques ! (Cole entreprit de lui montrer l’exemple, ses muscles se déliant et se contractant à mesure qu’il donnait des coups dans le vide avant de recadrer son visage de ses poings, avant-bras près du corps) One !

 

Lalee frappa de son poing droit. Cole répliqua d’un crochet du gauche ; la jeune fille, suivant son conseil, pu parer le coup en levant le bras.

 

  • N’donne pas que de la force ! Sois précise dans tes coups.

 

Ceux qui s’entrainaient dans leur coin avaient pris l’habitude de faire une pause pour assister à l’entrainement de Lalee, admiratif de la pédagogie de Cole qui permettait à la jeune fille de progresser vite et bien.

 

  • Tu me détestes, Lalee, alors frappe ! Venges-toi !

 

Elle ne se le fit pas dire une seconde fois. Il plaça ses mains d’un coté qu’elle vint cueillir après son ordre crié d’une syllabe puis de l’autre. Elle s’acharna si bien qu’il finit par la repousser. Il contracta son ventre, l’invitant à frapper en plein dedans. ‘Lee s’exécuta, les gants rembourrés faisant à peine frémir son Instructeur. Il s’écarta.

 

  • Je veux que tu régules ton souffle. Expire. Tu accompagnes ton coup ; tu lâches tout., lui dit-il.

 

Lalee acquiesça, la sueur l’aveuglant. Ses cheveux collaient son front. Elle se remit en position, se rappelant l’enseignement respiratoire et entreprit un enchainement pieds-poings, accompagné du sifflement de ses expirations. Malheureusement, elle était épuisée ; elle avait mal partout. Depuis le début de son entrainement intensif, elle n’avait dormis que cinq heures par nuit. La fatigue se ressentit dans son enchainement qui ralentit. Elle fut lasse. Son poing dévia de sa course par inadvertance. Cole le bloqua de justesse et plaqua la jeune fille au sol d’une prise instinctive. Quand comprendrait-elle que, face à l’ennemi, elle ne pouvait se déconcentrer ainsi au risque de se faire abattre ? Lalee roula sur le dos, et resta en étoile, rompue.

 

  • L’entrainement n’est pas terminé., lui fit Cole.

  • Laisse-moi une pause, d’accord ? On n’a pas arrêté de la journée. Je suis fatiguée.

 

La veine du cou de Turner palpita. Il était agacé. Le jeune homme enleva les protections de ses bras et revint près de Lalee en lui donnant un léger coup de pied dans le bras.

 

  • Lèves-toi., ordonna-t-il.

 

D’une vue en contre bas, Lalee haussa un sourcil. Il n’enlevait jamais ses protections. N’allait-il plus se contenter de parer ? Hésitante, elle se remit sur pied en poussant un râle. Ses courbatures la lancèrent.

 

  • Tu crois que tes adversaires abdiqueront lorsque tu en auras marre de te battre ?, lui lança-t-il, Ils ne feront qu’attendre ta lassitude pour mieux t’achever. Condition réelle. Mets-toi en position.

 

‘Lee déglutit lorsqu’il enfouit ses mains dans des gants de boxe. Non, il n’allait plus encaisser. Il voulait lui donner une leçon des plus ardues. Légèrement tremblante, elle assura sa posture de combat bientôt imité par Cole. Le regard bleu aux pépites d’émeraude aussi sombre la fit frissonner. Les gens autour d’eux s’étaient regroupés autour du tapis, intéressés. L’entrainement prenait une tournure différente. Brutale. Lalee devrait faire preuve de prudence et ne jamais offrir un point trop sensible de son corps. Elle n’ignorait pas qu’elle prendrait des coups ; il ne lui restait plus qu’à les encaisser pour minimiser leurs impacts. Que devait-elle faire ? Attaquer en premier ou attendre ? Sonner le glas de sa défaite ou juste la retarder ? Il lui fallut plus d’une minute à se décider. Cole n’attaquant pas, elle se lança à l’assaut. Elle tenta d’atteindre sa hanche d’un bon crochet qu’il para aisément. La jeune fille profita de sa défense sur la droite pour envoyer un middle kick encore maladroit sur le coté gauche. Vif, il le repoussa comme si ça n’avait été qu’un moustique. Elle manqua de perdre l’équilibre, entrainée dans une volte-face dans l’élan. Il aurait pu contre-attaquer mais il n’en fit rien. Lalee enchaina deux coups de pieds et un coup de poing qui n’atteignirent pas leurs cibles. Elle eut beau donner tout ce qu’elle avait, rien ne passait. Elle en eut assez. Il y eut une baisse de régime. Une lueur filtra dans les yeux de Turner qui profita de sa déconcentration pour décocher un fulgurant coup de poing en plein vente de la jeune fille jusqu’à lui faire remonter de la bile au fond de la gorge. Elle se décala, levant la tête en se faisant violence. Elle était à deux doigts de cracher par terre. Cole aurait pu l’achever là ; ce n’est pas ce qu’il fit. Quand elle le regarda, il était aussi droit qu’un piquet, l’œil sévère. Lalee avoua que se recevoir un coup en répartie n’avait rien avoir avec donner des coups dans un sac sans craindre quoi ou qui que ce soit.

 

  • Déconcentres-toi de cette façon sur le terrain et tu es foutue., cingla son Instructeur.

  • Tu n’avais pas besoin de frapper aussi fort !, l’affronta ‘Lee, Nous ne sommes pas sur le terrain !

  • Et ? Ce n’est pas parce que nous sommes en entrainement que je vais te dorloter. Tu as une concentration aussi limitée que le peu de neurones que tu as !, cracha Turner.

 

Même un uppercut n’aurait pas été plus douloureux que ces paroles. Lalee commençait à s’habituer aux changements d’humeur de son mentor mais, trop souvent, il la blessait. Il ne plaisantait jamais ce qui rendait la vérité encore plus douloureuse.

 

  • Alors, quoi ?, railla Cole, Tu vas chouiner encore une fois ? Si tu n’arrives à rien, il ne faut t’en prendre qu’à toi-même. Même en y mettant toute ta bonne volonté, tu ne combleras jamais ta faiblesse.

 

Le ton hautain de Turner, son besoin de la mettre plus bas que terre, son attitude désinvolte comme si elle n’était qu’une moins que rien à ses pieds… Tout cela fut un cocktail qui la rendit folle. Folle de rage. Il la toisait, provocant. Sa posture la prenait de haut. Lalee se remit en position de combat, décidée à ne pas se laisser humilier de la sorte. Mais par où commencer ? Comprenant son intention, son Instructeur avança, poings levés. ‘Lee se mit en biais, en défense, fermant toute possibilité d’atteindre ses côtes. Il refit un pas, plus menaçant encore. Il entrait dans son périmètre. Il était en offensive. Bien plus grand qu’elle, il lui suffirait d’un rien pour lui flanquer un coup de pied. La jeune fille recula ; il ne la laissa pas battre en retraite. ‘Lee tentait bon grès mal grès de trouver l’ouverture dans la position de Cole qui lui permettrait de l’atteindre. Mais rien ne lui sauta aux yeux. Il n’y avait aucune faille. Si elle voulait déverser sa rancÅ“ur, il fallait qu’elle arrête d’abord de reculer. Le rebord du tapis lui signifia qu’elle était allée trop loin. Alors, elle baissa sa garde. Cole bondit, entourant le cou de Lalee de ses bras et la jeta au sol. Sa nuque devint douloureuse ; il n’avait pas ménagé sa prise.

 

  • Tu te dégonfles ?, ricana-t-il.

 

‘Lee se secoua la tête, en proie à son esprit fatigué qui lui faisait défaut. Elle se repositionna au centre en rampant, son pou tambourinant si fort qu’elle pouvait l’entendre.

 

  • Tu es sûre que tu n’es pas républicaine ?, continua de provoquer Cole, Tu es aussi lâche qu’eux.

 

La jeune fille releva la tête, profondément insultée. Il s’accroupie, à quelques mètres, pour mieux être dans son champs de vision.

 

  • Peut-être aurai-je du te tuer dès notre première rencontre. Tu n’es d’aucune utilité, ici.

 

Lalee bouillonna. Complètement. Elle n’avait fais qu’accumuler ces dernières semaines : la honte, l’humiliation, la fatigue. Il était temps pour elle d’exploser ; elle le devait. Ses iris ambrés devinrent deux flammes incandescentes à mesure qu’elle imaginait Cole à terre, tuméfié et sanguinolent. Au regard furibond de la jeune fille, Turner esquissa un mouvement du menton hautain, en ultime provocation. Ce fut de trop. ‘Lee se précipita et, désordonnée, se mit à frapper.

 

                Taper, cogner, frapper. Taper, cogner, frapper.

 

Ses phalanges furent métaphoriquement en feu, ses muscles parcourus de spasmes. Elle visa le ventre, la poitrine qu’il lui offrit. Frapper encore et encore. Ne plus s’arrêter, lui faire payer son humiliation, ses moqueries. Cette fois où il l’avait attaché à une corde, menacée, menottée. Ou il avait voulu la noyer. Qu’il ne riposte pas lui était égal. Elle voulait qu’il ait mal. Elle ne pouvait plus s’arrêter. Se rappelant la morsure à son bras, elle la percuta plusieurs fois. Ses expirations se transformèrent en cris teigneux. Cole enleva ses gants de boxe, geste que ne remarqua pas Lalee. Délicatement, il lui saisit les épaules. Interloquée, revenant à la réalité, elle leva la tête vers lui. La jeune fille comprit qu’elle devait laisser mourir ses mouvements. Le jeune homme ne parut réagir à ses attaques, comme s’il n’avait rien ressentis. Frustrée, elle flanqua un dernier coup dans le bras bandé.

 

  • C’est terminé pour aujourd’hui., se contenta-t-il de dire.

 

Elle ne lui répondit pas, muette. Lalee sortit à toutes vitesses du gymnase laissant Cole seul, au milieu du gymnase.

 

  • Wow !, fit Skill en sortant des spectateurs bluffés pour rejoindre son frère, J’étais curieux de voir un peu ce que donnait l’entrainement de Lalee. Je dois bien avouer que tu ne l’as pas ménagé. Tu n’es qu’une brute !

 

A la grande surprise de l’adolescent, Cole lâcha un rire nerveux. L’entendre rire était devenu chose rare depuis cinq ans. Impassible durant la durée de l’acharnement de ‘Lee, il affichait désormais un visage plus soulagé.

 

  • Tu ris parce que tu es fier d’avoir supporté ça sans broncher ?, sourit Skill.

  • Ne lui dis pas mais… Elle cogne vraiment fort quand elle est en pétard.

  • Eh ben… Te connaissant comme si j’étais ton frangin, ton astuce pour  la faire sortir de ses gonds n’était pas mal du tout.

  • Il lui faut de la motivation., acquiesça Turner en se massant le ventre, Son égo m’est plutôt utile pour ça.

 

Skill s’empêcha de rire. Depuis la mort de leurs parents, Cole restait un véritable mur tantôt agréable, tantôt agressif. Il sembla au cadet que, depuis qu’il avait Lalee en charge, il montrait un peu plus d’émotions, surtout de la frustration lorsque la jeune fille s’évertuait à n’en faire qu’à sa tête.

 

                Au petit matin, Lalee se réveilla plus apaisée. Il était bien huit heures du matin. Elle s’étira d’un mouvement félin avant de sauter de son lit. Ses courbatures lui rappelèrent leur présence à cet instant-là mais elle passa outre. La jeune fille avait consciemment dormis plus tard que d’habitude, loupant le footing matinal. Sa rancÅ“ur avait finis par s’amoindrir et elle se sentit coupable d’avoir laisser Cole en plan. ‘Lee avait été capricieuse ; il fallait grandir. Décidée à présenter ses excuses et à affronter les foudres de son Instructeur, elle s’habilla et sortit du dortoir pour se rendre au gymnase. Toutefois, aucune trace de Cole. L’évitait-il ? Non, peu de chance que ce soit le cas. Skill en saurait sans doute plus qu’elle. Peut-être que Turner avait eut une urgence et s’était absenté … ce qui serait une aubaine pour elle. Avec un peu de chance, il n’aurait pas remarqué son manquement au rendez-vous. Arrivant devant la porte, habituée à ce qu’il n’y est que Skill dans la chambre, elle ouvrit sans frapper. Mais là non plus, il n’y avait personne. Entendant du bruit dans la salle de bain, Lalee s’y dirigea pour surprendre l’adolescent pour se venger de toutes les fois où il lui avait provoqué une véritable peur bleue en lui bondissant dessus à quelques recoins du QG. Se retenant de pouffer de rire, elle entrouvrit la porte. La vapeur de la douche donnait une allure de sauna, et la chaleur fut étouffante. Elle se décala légèrement, se mordant les lèvres pour ne pas éclater de rire avant l’heure. Sauf qu’au travers de la vitre, c’était Cole. Paralysée, elle fut incapable de refermer la porte lorsqu’il sortit en quête d’une serviette. L’eau goûtait sur sa peau à nue, ses cheveux encadrant son visage habituellement méprisant et froid. Son dos puissant et ses larges épaules auraient pu être taillés dans du marbre. Ses muscles roulèrent sous peau, délicieux et enivrant. Lalee serra le loquet, subjuguée. Elle fit descendre son regard jusqu’au creux des reins et se délecta de la vue jusqu’à ce qu’il commence à se retourner. La vision se changea du tout au tout. Elle s’empourpra comme un coquelicot et, avant de se faire repérer, prit la fuite. Elle n’eut le temps que de bondir sur le lit de Skill et d’afficher un air innocent. Enroulé dans une serviette, les cheveux encore humides, il émergea de la salle de bain.

 

  • C’est toi, Skill ?

 

En l’apercevant, il fronça les sourcils. Elle élargit un sourire crispé.

 

  • Tu n’étais pas là ce matin., lui lança-t-il.

 

Lalee secoua la tête, à court de mots.

 

  • Pourquoi ?

 

Elle haussa les épaules. Cole accentua sa mine perplexe avant de suivre le regard de Lalee. Il dût baisser la tête pour s’apercevoir qu’elle fixait son torse et la serviette.

 

  • Lalee ?

  • Je repasserai plus tard !, s’écria-t-elle avant de sortir au pas de course de la pièce.

 

Lalee s’adossa à un mur dans le couloir. Etait-elle encore rouge ? L’avait-il remarqué ? Elle papillonna des cils, incapable de s’ôter de l’esprit cette scène séduisante. La jeune fille n’avait jamais vu un homme nu comme un vers de sa vie ; elle n’était pas prête de l’oublier.  

 

 

 

 

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