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Gabrielle

         Gabrielle tapait du pied avec impatience. Ses tours de garde devraient prendre fin dans dix minutes. Des cernes sous les yeux, elle n’avait dormit que très peu durant les laps de temps qu’il lui était accordé lorsque c’était à Dan de prendre la relève. Toutefois, ce n’était pas son envie de retourner dans sa cellule pour y retrouver son lit qui déclenchait une telle impression de lenteur au temps mais bien sa motivation à retrouver Sonnie et trouver des réponses à ses questions. Le Sergent Turner patientait lui aussi, devant la porte de leur dortoir. Gabby avait soigneusement éviter de croiser son regard durant ces deux derniers jours, lui permettant ainsi de ne pas avoir à lui adresser la parole. Dan s’en était accommodé et avait joué le même jeu d’indifférence.

 

            Enfin, Gabby put quitter son poste. Aussitôt, elle salua les sentinelles qu’elle avait côtoyé et les remercia pour leur bon travail. Flatter leur ego ne leur faisait jamais de mal et les aider à continuer dans cette voie. Au moins, leur travail était prit en considération par un supérieur. La jeune femme passa rapidement dans la cellule où elle rangea son Famas dans le coffret à cet effet. Elle fut suivis par Dan, mais ils n’échangèrent aucun mot ce qui soulagea le Lieutenant d’une confrontation qui l’aurait retardé. Elle vérifia l’heure sur la pendule murale, près de la porte.

 

            15 heures. J’ai encore pas mal de temps.

 

Sans perdre une minute, elle changea rapidement son uniforme sans se préoccuper de la présence de son coéquipier et sortit dans un coup de vent.

 

            Ses pas la menèrent vers la résidence des Pilotes mais son but n’était pas de rendre une petite visite de courtoisie à John. Elle passa devant chez lui, accélérant inconsciemment, craignant de le rencontrer. Elle bifurqua ensuite vers la sortie des lieux, et entra dans la zone des échanges de prisonniers au bout d’une bonne quinzaine de minutes. Ce temps de marche convainc Gabrielle de l’importante dimension du 13ème régiment. Très vite, le panorama paradisiaque des quartiers favorisés du régiment disparu pour laisser place à la dérangeante atmosphère de la zone. Les routes terreuses gardaient les cicatrices des nombreux passages lourds des véhicules mais aussi des piétinements des résistants condamnés au camp de travail ou à l’exécution. Parfois, les semelles de Gabby s'écrasaient sur des traces minuscules appartenant à des enfants en bas-âge. Sans doute quelques unes auraient-elles été faites par Sonnie. Gabrielle se mortifia sans le vouloir du nombre d’enfants qui avaient été relégué comme du bétails.

 

Les baraquements des soldats se chargeant des arrivées et de la division des regroupements des Résistants se tenaient un peu plus en retrait du grand espace formant une cour morbide. La jeune femme inspira profondément, réfléchissant à ce qu’elle pourrait dire pour justifier son intérêt pour le sort de l’enfant sans éveiller les soupçons. Ayant une vague idée du discours qu’elle tiendrait, elle finit par grimper les marches du perron miséreux et frappa deux coups à la porte, les deux sentinelles n’ayant pas pris l’initiative de signaler son arrivée. Gabrielle attendit mais n’obtint aucune réponse. Elle recommença à frapper, en insistant un peu plus sur ses coups. Les sentinelles l’observèrent du coin de l’œil mais ne pipèrent mot. Enfin, la porte s’ouvrit avec brusquerie. Un quadragénaire fit face au Lieutenant, s’appuyant au battant, son peu de cheveux en bataille et l’haleine chargée d’alcool. L’odeur désagréable titilla les narines de la jeune femme et l’agaça profondément.

 

            Voilà un soldat peu sérieux.

 

Néanmoins, elle n’avait aucunement l’intention de le dénoncer, cette zone ne relevant pas de son accréditation et cet homme n’étant pas directement promulgué sous ses ordres. Au contraire, Vincens songea que l’état pitoyable de cet homme lui permettrait d’accéder aux informations bien plus facilement qu’elle ne l’avait espéré.

 

-          Qu’est-ce qu’elle veut la d’moiselle ?, fit le responsable des lieux.

 

Gabrielle resta de marbre, son regard glissant machinalement vers le grade du sous-officier.

 

-          Bonjour, Major., répondit-elle froidement.

 

Son ton réussit à faire réagir l’homme débraillé qui, à son tour, observa les épaulettes de Gabrielle. Il déglutit. Il s’essaya à retrouver une contenance futile et la salua comme il le devait.

 

-          Lieutenant., se rattrapa-t-il d’une voix pâteuse, Je vous présente me…mes… Excuseuh… Mes excuses.

 

Bien que cela ne soit pas dans ses habitudes, Gabby refusa de lui rendre son salut. D’une part, cela imposait son mécontentement via un tel manque de respect et de retenu et d’une seconde part, Gabrielle profita de son erreur pour gagner en charisme et lui donner un envie de repentance. Elle assurait sa position par rapport à lui et il ne serait que plus coopératif.

 

-          Major, je souhaiterai entrer.

 

Le maître des locaux la fixa d’un regard vide, reniflant ave dédain avant de s’effacer pour la laisser investir la pièce. Gabrielle plissa le nez, l’odeur du bureau aussi nauséabonde que son propriétaire. Quelques bouteilles vides de whisky jonchaient le sol, certaines gouttes ayant trouvé leur fin sur le sol sale. Le jeune Lieutenant se garda de tout commentaire mais elle n’en pensa moins. Elle trouvait cela honteux qu’aucun supérieur n’est inspecté les lieux et prit les mesures nécessaires pour y remédier. Sans doute le major remarqua-t-il la lueur désapprobatrice dans les yeux de Gabrielle vu qu’il s’attela à écarter du pied les bouteilles qui roulèrent un peu partout, tout en rajustant son veston d’un geste maladroit.

 

-          C’est un peu… Un peu… Hum, j’ignorai que j’aurai de la visite.

-          Que vous ayez de la visite ou non, votre lieu de travail doit rester impeccable., répliqua net Vincens.

-          Bien… Bien entendu, madame., bafouilla l’accusé.

 

Il baissa le menton avant de se placer derrière son bureau et proposa à la nouvelle venue de prendre un siège devant lui. Gabby accepta l’invitation. Elle prit soin de dépoussiérer un peu la chaise offerte avant de s’y installer, droite. Elle baissa le regard sur le porte-nom et y lut Michael West.

 

            Un britannique ? Américain ?

 

Bien qu’il soit difficile d’entendre un accent particulier au vu de sa prononciation affectée par l’alcool, elle se doutait qu’il n’était pas français. West ouvrit un tiroir d’où il en tira une bouteille d’eau qu’il ouvrit sans attendre. Au point où il en était, il en versa une partie dans sa paume pour la plaquer contre son visage.

 

-          Que me vaut votre visite, mon Lieutenant ?, demanda-t-il enfin, un peu plus en éveil.

-          Ai-je besoin d’une raison particulière pour visiter le régiment ?, tenta Gabrielle.

 

Le Major West haussa un sourcil :

 

-          Je dois vous avouer qu’il est plutôt rare de voir des officiers, par ici. Pour être honnête, des étrangers à cette zone ne viennent quasi-jamais s’y aventurer. Ce n’est pas un camp de vacances.

-          Je vous comprends, avoua Vincens, Et je me doute aussi que vous vous méfiez de ma présence.

-          Eh bien…

-          Mais vous avez raison, le coupa-t-elle, A vrai dire, je sais que vous vous occupez des archives et des listings des prisonniers arrivant ici.

-          En effet., avança Michael, sur le qui-vive.

 

Gabrielle croisa les mains sur ses genoux :

 

-          J’aimerai prendre connaissance des listes des prisonniers arrivés ici il y a deux jours.

-          Pour quelle raison, Lieutenant ? Aurait-il eu une erreur qui ait forcé votre déplacement ? Un de mes hommes, peut-être ?

-          Non, major West. Vous n’avez aucun soucis à vous faire de coté-là. Je souhaiterai me renseigner un peu plus sur ceux qui ont été amenés ici parce que… (Gabby chercha un mensonge très vite) lors d’une des missions récentes, certains terroristes ont réussis à s’échapper et j’ai besoin de savoir si l’un d’eux a été capturé pour obtenir des aveux de sa part. Je ne peux pas vous en dire plus par soucis de confidentialité.

 

Le major se frotta les yeux, sûrement dépassé par la rapidité du flot de paroles qu’elle eut énoncée. Comprenant sa difficulté à assimiler ce qu’elle lui disait, Gabrielle en profita pour continuer dans sa lancée : elle insista sur l’importance de la confidentialité de l’affaire, qu’elle souhaitait rapidement la résoudre et commencer l’interrogatoire. Elle parlait vite, articulant peu pour le déstabiliser. Elle finit aussi par hausser d’un ton, parlant plus fort. Sa petit ruse sembla fonctionner ; très vite, le sous-officier se massa les tempes, prit de migraine.

 

-          Très bien, très bien., se pressa-t-il de conclure, D’il y a deux jours, vous avez dis ?

-          Oui, dans la soirée., précisa la jeune femme.

 

Michael West ouvrit un autre tiroir plus imposant d’où de multiples dossiers étaient triés par date. Il dodelina un instant de la tête, avant de se concentrer de nouveau et sortir un dossier plutôt épais.

 

-          Nous y voilà, mardi 7.

 

Il lui tendit le dossier :

 

-          Ce sont les listes que nous avons pu faire avec les Résistants coopératifs, qui ont bien voulu daigner donner leurs identités. Mais c’est une minorité. Les hommes, pour le plupart, étant de véritables fanatiques refusent catégoriquement de s’y plier.

-          Les femmes et les enfants acceptent plus facilement ?

-        Vous savez ce que c’est, argumenta le major, Les femmes ne veulent pas que leurs gosses prennent des coups, alors elles se dépêchent d’obéir. Les petits, eux, qui ne sont sous aucune tutelle ont tendance à se sentir perdus et se raccrochent aux personnes adultes, n’importe laquelle. Dans une période aussi marquée par la guerre, les parents n’ont généralement pas le reflexe d’inculquer à leur progéniture de ne pas parler aux inconnus. Ils imitent aussi une figure maternelle. Si une femme coopère, ils font de même.

-          Comment avez-vous listé ceux qui refusent de décliner leur nom ? Par des numéros ?, s’enquit Gabby en ouvrant le dossier.

-          Par des numéros, en effet.

 

Gabrielle soupira intérieurement tout en parcourant les listes des yeux. Il y avait des centaines de noms et de numéros.

 

-          Il y a la liste de ceux destinés au camp de concentration et ceux dans le couloir de la mort ?, questionna-t-elle de nouveau.

 

West lui prit deux listes différentes des mains. De son doigt boudiné, il pointa quelques exemples de noms ou de numéros ayant un cercle rouge dans la marge :

 

-          Ceux ayant une telle marque sont jugés inaptes à participer au travail d’ouvrier ou d’usine, donc qui ne peuvent rejoindre les camps de concentration. Pour certains, bien après, et qui ont une date particulière, ils sont déjà passés par l’interrogatoire. N’étant plus d’aucune utilité, ils sont marqués aussi par un cercle rouge.

-          Ils vont alors au camps de la mort, comprit Gabrielle.

-        Tout à fait. Et ceux ayant un cercle vert sont soit : ceux qui doivent être interrogés soit ceux qui iront dans les camps de travail.

 

Il rendit les listes, semblant impatient qu’elle prenne congés. Mais le Lieutenant Vincens avait d’autres questions en tête :

-          Les prisonniers passant par le 13ème régiment vont-ils toujours à des camps bien précis, selon certaines voies de transports plus adéquates, plus proches ?

 

West se frotta le sourcil avant de répondre :

 

-          Les condamnés à mort restent dans les alentours, lui expliqua-t-il, Ils sont déportés vers l’Ouest de Paris, près de l’ancien Versailles. Pour les prisonniers, vers le vieux Antony, parqués dans la station de métro.

-          Le métro ?, s’étonna Gabrielle.

-          Ils utilisent ce moyen pour envoyer en grand flux les prisonniers dans toute la France.

 

Vincens était très jeune lorsqu’ils avaient construits des lignes de RER et métro dans toutes la France, sous terre. Les gares devenaient trop dangereuses ainsi que les rails des trains qui connaissaient de continuels sabotages par la Résistance. Les lignes souterraines restaient surveillées nuit et jour et rares se produisaient les attaques frontales de la cellule terroriste. C’était devenu une méthode pratique pour le transport d’armements militaires et des prisonniers. Les voies ferrées sous-terraines restaient toutefois bien centrées, les stations toujours annexées à des régiments construits durant la guerre.

 

-          Les prisonniers sont envoyés de manière aléatoire à partir d’Antony ?

-          Les officiers chargés de procéder aux convoies décident eux-mêmes des qualifications des prisonniers. Ceci sortant de mes attributions, je ne saurai vous donner plus de détails à ce sujet.

 

Gabrielle songeait déjà à la rudesse des recherches à venir, sans compter que la petite Sonnie pouvait être dès maintenant à l’autre bout de la France.

 

-          Mais comment réussiriez-vous à retrouver les personnes que vous recherchez à partir de listes ne comportant que des noms ?, se permit de demander West.

 

Gabrielle ne prit pas la peine de répondre, bien trop absorbée par la lecture du dossier. Elle finit par remercier West du but des lèvres pour sa collaboration et sortit du bureau, le dossier soigneusement caché sous son uniforme. Dès qu’elle referma la porte derrière elle, le major attendit quelques minutes avant de se saisir du téléphone à coté de lui et composa un numéro à deux chiffres. Il patienta, gardant les yeux rivés sur l’entrée du bureau. Enfin, on décrocha à l’autre bout de la ligne.

 

-          Mon colonel ?, fit West, Je crois que quelque chose serait susceptible de vous intéresser.

 

 

       Gabrielle retourna dans la résidence des Pilotes, d’où elle poussa le portail du domicile de John. Elle avait longuement réfléchis durant les quinze minutes de marche et elle en avait conclu qu’elle serait plus tranquille dans cette maison éloignée des regards indiscrets. Dans sa cellule, Dan n’hésiterait pas à porter un regard suspicieux sur le dossier et ailleurs la jeune femme ne connaitrait aucune solitude, constamment entourée par les membres de sa propre unité. Elle serait d’autant plus passible de croiser des officiers supérieurs qui lui ordonneraient de répondre d’un intérêt aussi particulier. Elle s’approcha de l’imposante porte au bois luisant, le perron s’allumant à son approche malgré la lumière de la fin d’après-midi. Gabby essaya de voir du mouvement dans l’entrée, jetant un coup d’œil rapide par la vitre floutée. Elle aperçut la silhouette de John. Elle frappa et n’attendit pas qu’il lui ouvre.

 

-          John ?, appela-t-elle en refermant le loquet derrière elle.

-          Ouaip ? J’arrive.

 

Elle entendit le froissement d’un vêtement avant que le jeune homme ne vienne l’accueillir. Il terminait d’enfiler un débardeur. Il avait attaché quelques mèches blondes en catogan bien que quelques unes, capricieuses, s’entêtaient à tomber devant ses yeux noirs. Une cigarette pendait mollement du coin de ses lèvres, provocante. Etant très certainement de repos, il portait un jean troué aux genoux à la place de son treillis.

 

-          Tu vas bien ?, s’enquit-il une fois qu’ils passèrent dans le salon.

 

Gabrielle acquiesça en déposant le dossier sur la table basse avant de se débarrasser de sa veste qu’elle jeta avec désinvolture sur le divan. John poussa un grognement mécontent en s’en emparant pour le ranger dans la penderie du vestibule. En revenant près d’elle, il remarqua le dossier à l’emblème officiel de la République. Il haussa un sourcil :

 

-          Pourquoi tu as ça avec toi ?

 

Gabby avait souhaité trouver refuge ici pour justement éviter ce genre de curiosité ayant eu, apparemment, un peu trop confiance dans la discrétion de son ami. Elle détacha son chignon, consciente qu’elle resterait ici plusieurs heures. Elle se mit à l’aise, délaçant ses rangers qui, eux aussi, finirent dans la penderie par les soins du propriétaire des lieux. La jeune femme s’assit confortablement dans le divan, indifférente au regard inquisiteur de Braham, en allongeant sa jambe douloureuse sur la table devant elle. John se pencha sur le dossier mais Gabrielle fut plus rapide et s’en saisit, chipant dans son mouvement la cigarette qu’elle glissa entre ses lèvres pour en tirer une bouffée.

 

-          Je te sers un café aussi ?, lança-t-il d’un ton sarcastique.

-          S’il te plait.

 

John leva les yeux au ciel avant de disparaitre dans la cuisine. Gabby ouvrit le dossier et une liste dans chaque main. Devant le tas de feuille qui faillis glisser au sol, elle manqua de se décourager. Elle espérait que Sonnie ait eu le bon sens de dire son nom lors de l’identification. John revint avec deux tasses dont une qu’il lui tendit avant de s’assoir près d’elle. Il reprit sa cigarette tout en s’intéressant à ce qu’elle lisait.

 

-          Des liste de noms ? De qui ?

Gabrielle haussa les épaules, refusant de le mêler à ses recherches. Au vu de son silence, il vola une des listes au détriment de son amie. Il l’examina du mieux qu’il put, évitant les coups de Vincens. Il fronça les sourcils en en devinant la provenance.

 

-          Je peux savoir pourquoi tu t’intéresses à ça ?, s’agaça-t-il, Ne me dis pas que c’est pour retrouver cette gamine, Gabby ! Tu étais à deux doigts de te faire coffrer l’autre soir !

 

Gabrielle le toisa, décidée à ne pas se prononcer.

 

-          Ton silence me répond de lui-même. Tu aurais mieux fait de proférer des mensonges que j’aurai fais mine de croire., soupira-t-il.

 

Gabby continua de l’ignorer tout en parcourant les noms, s’apercevant qu’il y avait bien plus de sigles rouges que de verts.

 

-          Je pense que je n’ai pas besoin de te rappeler ce que nous risquons si on se fait choper.

 

La jeune femme haussa un sourcil :

 

-          Â« Nous Â» ? Il n’y a pas de « nous Â», John. Je suis toute seule là-dessus.

-          Tu sais comment elle s’appelle, au moins ?

-          Oui.

-          C’est quoi, alors ?

 

Malgré les protestations de son amie, il s’empara d’une bonne partie des listes.

 

-          John, tu n’as pas à m’aider, d’accord ? Je ne veux pas que tu t’impliques parce que, oui, je connais les risques.

-          Ok, très bien. Avant que tu ne me fasses une crise, je te le dis de suite que je ne te donne un coup de main que pour retrouver le nom dans la liste. Après, tu te démerdes.

 

Gabby finit par abdiquer, bien qu’elle savait pertinemment que John lui prêterait main forte dans tout ce qu’elle entreprendrait. Elle devait bien avouer qu’elle avait besoin d’aide pour parcourir les listes mais c’est bien tout ce qu’elle lui permettrait de faire avec elle. Le reste de ses investigations se dérouleraient sans lui. Elle voyait bien qu’il était anxieux, d’autant plus qu’il ne tarda pas à fermer rapidement les volets du salon et à vérifier que les verrous des portes étaient bien fermés. La jeune femme ne pouvait s’empêcher d’éprouver de la gratitude, mais elle s’abstint de lui en faire part, craignant qu’il prendrait cela pour une invitation.

 

-          Elle s’appelle Sonnie., l’informa-t-elle finalement.

 

Ils restèrent silencieux, continuant de parcourir le dossier. Ils finirent par ne guetter que les noms ayant le signe distinctif du sexe féminin, mais les recherches restèrent difficiles au vu de l’absence des précisions d’âge.

 

-          Qu’est-ce que tu comptes faire lorsque tu la trouveras ?, finit par interroger Braham, le nez toujours dans les papiers.

-          La rencontrer de nouveau, comprendre ce qui m’a prit ce soir-là., confia la jeune femme.

-          Et si elle a un sigle rouge ?, osa John.

 

Gabby prit quelques secondes avant de répondre :

 

-          Alors, tant pis.

 

Son ton se voulut désinvolte mais il trahissait une inquiétude. John finit par jeter la liasse de listes qu’il avait finit d’étudier et se tourna franchement vers le Lieutenant.

 

-          Gabrielle, bien que tu m’ais dis que tu savais très bien ce que tu risquais, je doute sincèrement de ta parole. Ce ne sera pas une simple remontrance d’un colonel mais la Cour Martiale, tu comprends ça ? Tu pourrai être accusée de traitrise ! Comment feras-tu pour justifier ces recherches ? Ton intérêt pour une Résistante ?

-          C’est simple, je ne me ferai pas attraper !, répliqua Gabrielle.

-          Tu sous-estimes le genre de sécurité qu’il y a dans ce genre de campements ! Chaque visite, quelle qu’elle soit, doit très certainement être répertoriée, fichée. Sans compter qu’on t’aura déjà vu avec la gamine qui tentait de prendre la fuite. Tout sera contre toi. Ils ne vont pas chercher à voir plus loin que le bout de leur nez. Tu sais comment fonctionne la Justice ici.

 

Gabrielle soupira d’impatience, abandonnant à son tour sa lecture :

 

-          Ecoute, libre à toi de ne plus m’aider si tu as la trouille, Braham ! Je ne t’ai pas demandé ton aide, tu me l’as imposé. Si tu te sens mal à l’aise avec ça, je dégage maintenant, sans problème.

-          Je ne fais que m’inquiéter, je ne te jette pas à la porte., se justifia John, Et je ne le ferai jamais quand bien même tu prendrai le Chef Suprême Delanoé en otage dans ma propre maison. Je ne veux pas que tu te retrouves sur le banc des accusés comme un de ces terroristes.

 

Vincens l’observa un moment, puis, lentement, elle parla d’une voix curieusement douce :

 

-          Sonnie a eu besoin de moi. Elle me suppliait de l’aider. Je ne peux pas croire qu’une enfant aussi jeune puisse être une menace pour la République.

-          Maintenant, non. Mais plus tard ? Qu’en sais-tu ? Sans doute est-elle la fille d’un partisan de la coalition, tu ne sais pas ce qu’il a pu lui apprendre. Et s’il lui avait enseigné à gagner l’affection des républicains pour rester en vie ?

 

Son amie se plongea dans le mutisme, sans doute tourmentée par d’innombrables questions. John se radoucit :

 

-          Je ne sais pas pourquoi tu t’es autant ramollis, Gabby. Il y a quelques jours tu aurais déjà analysé la situation et comprit sa dangerosité.

-          Dans notre Société, rare sont les fois où j’ai pu constater une telle innocence. Vraiment. Et ses grands yeux… en étaient emplis. Purs.

 

John comprit alors que Sonnie représentait l’innocence, la naïveté de l’enfance que Gabrielle n’avait jamais eu. Qu’on lui avait volé, arraché. Gabby prit une profonde inspiration :

 

-          Je ne me suis pas ramollis. Je sais ce que je fais et ce que je ne ferai pas.

 

Sur ces mots, elle reprit ses recherches. John finit par l’imiter, peu convaincu. 

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