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Lalee

       Depuis qu’elle avait surpris Cole en tenue d’Adam, Lalee évitait de rentrer dans sa chambre sans autorisation et, surtout, de croiser son regard. Elle ne savait pas mentir, faire des cachotteries et Turner était un fin observateur. Il l’aurait soumise à un interrogatoire qu’elle aurait magnifiquement loupé. Son honnêteté lui venait se famille qui en avait fait une valeur primordiale chez leurs deux filles. Installée dans un coin de la Grande Salle, la jeune fille relisait ses quelques notes. Devenue assidue ces derniers temps, elle voulait toujours en savoir plus. Sauf qu’aujourd’hui, elle ne parvenait pas à se plonger complètement dans son étude. Ce devait être l’anniversaire de sa mère. Fête que sa famille aurait partagé ensemble devant un feu en faisant griller un lapin capturé pour l’occasion le matin même par leur père. C’était l’occasion d’évoquer des souvenirs d’enfance des filles ou des parents. Sa vue se brouilla en repassant dans sa tête tous les anniversaires qu’ils avaient vécu. Elle coupa court à ses souvenirs en refermant sèchement son calepin. Rester dans son coin ne l’aiderait pas à lui changer les idées. Les mains dans les poches, le calepin sous le bras, elle déambula dans la Salle en quête d’intérêt. Mais rien ne retint son attention. Les gens qu’elle avait finis par connaître la saluaient sur son passage ; elle ne leur répondait que du bout des lèvres. Cole n’était pas disponible aujourd’hui pour s’entrainer et elle n’avait pas le droit de sortir courir en extérieur sans lui. Dépitée, elle emprunta une entrée des galeries, sans vraiment savoir où aller. Une sieste ne la tentait pas. Lorsqu’elle s’arrêta pour prendre connaissance du lieu, elle se retrouva devant une porte en métal blanc. Elle lut l’inscription : « Salle Explosion Â». Lalee haussa un sourcil. Curieuse, elle colla une oreille sur la façade froide s’attendant au bruit typique d’une explosion. Intriguée, et heureuse d’avoir trouvé quelque chose d’intéressant, elle ouvrit la porte. Elle entra dans une salle désordonnée avec des paillasses entourées par des étagères combles montant jusqu’au plafond, remplies de cartons, de fioles ou encore de classeurs. Ca n’avait ni queue ni tête. La jeune fille plissa les yeux pour mieux voir, une pellicule de poussière encombrant l’air. Une odeur de brûlé chatouilla ses narines. Elle osa faire un pas lorsqu’une fiole vola dans sa direction pour s’écraser contre le mur derrière elle.

 

-          Foutez-le camp de cette salle !

 

Lalee leva les mains en réédition tout en cherchant celui qui ne s’accommodait pas de sa présence. Elle tourna sur elle-même, ne distinguant personne. On claqua des doigts.

 

-          Inutile de vous moquer de moi !

 

La jeune fille baissa la tête et remarqua enfin l’homme de petite taille – nain, de toute évidence – la toiser, poings sur les hanches. De grosses lunettes grossissaient ses yeux ; son front perlait de sueur. Elle dût se baisser pour mieux le dévisager tandis que lui leva la tête vers elle. Il attendait très certainement qu’elle réponde quelque chose. Il y eut un blanc où ils se jaugèrent l’un l’autre jusqu’à ce qu’un éclair ne traverse la salle, suivit d’un souffle qui souleva les cheveux auburn de Lalee. Elle inclina la tête sur la droite, stupéfaite.

 

-          Enfin ! Enfin !, s’enthousiasma l’étrange bonhomme.

 

Il sautilla sur place avant de faire des bonds vers la provenance de l’éclair. Toujours aussi intriguée, ‘Lee le suivit non sans recevoir un regard noir.

 

-          Ce n’est pas un endroit approprié pour une enfant., lui fit-il remarquer.

-          Vous avez bien faillis me vriller le crâne avec votre fiole et, ensuite, de me le faire exploser. Je pense que je peux me montrer curieuse., rétorqua-t-elle.

-          Curieuse ? Vous n’avez rien à faire ici. Et puis ! Comment avez-vous atterris là ? Personne ne vient jamais ! Du balais, ma grande.

-          Bon, très bien. Je m’en vais., parut abdiquer la jeune fille, Mon petit !, ajouta-t-elle, provocante.

 

Elle fit demi-tour et posa une main sur le loquet de la porte. Un toussotement l’arrêta dans son dos. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Le petit homme pointa un doigt vers le fond de la salle où des livres furent déchirés et des flacons brisés par l’éclair. Il tapotait du pied. L’accusait-il d’avoir provoqué tout cela ? Il ne manquerait plus qu’il lui ordonne de faire du nettoyage. Outrée par cette attitude, Lalee entrouvrit la porte. Des pas précipités se dépêchèrent de la rejoindre et referma la porte. L’homme était si petit que la jeune fille aurait pu croire que le battant lui jouait un mauvais tour. Il ne semblait pas avoir beaucoup de visites ; ‘Lee semblait avoir rompu sa solitude. Elle ne s’en étonna pas. Peu de monde appréciait de se faire accueillir à coup de fiole et d’éclair.

 

-          Si tu es entré c’est que les explosifs t’intéressent !, lui lança le petit homme en tirant sur le pan du pantalon de Lalee en guise d’espoir.

-          Pas spécialement…, avoua honnêtement ‘Lee, Mais je m’ennuie donc … Pourquoi pas ?

 

Elle ne s’était pas sentie capable de le repousser. Encouragé, il la guida vers un siège et la fit s’y assoir. Lalee n’était pas rassurée du tout. Le siège, bancal, la faisait chavirer d’avant en arrière au point qu’elle prit appuie sur la paillasse pour rester stable. Le prétendu scientifique marmonna en allumant une flamme sous une lampe à huile. Le feu fascina un instant la jeune fille qui fit courir ses doigts au-dessus, jouant avec. Le petit homme lui tapa sur les doigts. Elle replia le bras, éberluée. Il plaça un flacon de verre en suspend, à la merci de la flamme, contenant une substance rouge. Sous l’effet de la chaleur, le liquide vira en couleur ocre.

 

-          Qui êtes-vous, au juste ?, finir par s’enquérir ‘Lee, admirative.

-          Elle me demande qui je suis !, s’exclama le scientifique, Elle s’infiltre dans mon antre et veut que je me présente ! (Il remonta ses lunettes sur son nez) Pop’. Mon nom est Pop’.

-          Moi, c’est Lalee.

-          Très bien, très bien.

 

Il passa une bonne dizaine de minutes à farfouiller dans ses affaires décuplant l’ennuie de ‘Lee. Elle s’apprêtait à repartir de nouveau quand il revint vers elle, ayant enfin trouvé ce qu’il cherchait. Il ouvrit une importante mallette sous le nez de la nouvelle venue et lui présenta de nombreux composants d’explosifs. Prit dans son élan, Pop’ se lança dans des explications sans vraiment se préoccuper de savoir si elle l’intéressait ou non. Il semblait heureux de pouvoir parler à quelqu’un de sa passion. Patiente, Lalee joua le jeu, l’écoutant attentivement. Pop’ lui résuma avec précision ce qu’étaient les différents composants et leurs effets selon une composition toujours bien précise. Les bombes incendiaires éveillèrent l’intérêt de la jeune fille. Elle osa lui poser des questions à ce propos ce qui attisa de plus belle le flot de paroles du scientifique qui ne cacha pas son agréable étonnement. Il déambulait dans la pièce, sautant sur divers escabeaux pour lui montrer des liquides inflammables et, ainsi, illustrer ses propos. Il fut curieux la façon dont il changea radicalement de comportement devenant moins hostile voire pédagogique. Il répondait à toutes ses questions sans rechigner. De minute en minute, il fit naître en Lalee une soif d’en apprendre plus. Elle aurait pu prendre congés au bout d’une heure mais elle n’en fit rien. Elle était fascinée de savoir qu’une simple capsule, pas plus grande qu’une pile, pouvait causer d’importants dégâts. Elle ne quitta Pop’ qu’à l’heure du dîner. Il parut déçu de la voir partir mais d’un regard entendu la jeune fille lui fit comprendre qu’elle reviendrait. Pop’ arbora un large sourire quoique légèrement édenté et de travers. Elle jugula un rire. Satisfaite de son petit apprentissage de la journée et de sa nouvelle rencontre, ‘Lee sifflota dans le couloir. A peine eut-elle fait vingt mètres qu’il la rappela, gambadant sur ses petites jambes munis d’un énorme livre dans les bras. Il lui fourra le livre dans les mains. Il pesait lourd.

 

-          Je te le prête., lui dit-il, essoufflé, Je l’ai écris moi-même ! Toutes les bombes, mines, missiles…. Sont répertoriés à l’intérieur avec leur composition. J’ai pensé qu’il t’intéresserait.

 

Mais Lalee douta de la véracité d’une telle affirmation. Elle songea plutôt que c’était une façon pour lui de s’assurer qu’elle reviendrait. Elle lui sourit :

 

-          Je vous le ramènerai.

 

Une fois qu’il fut repartis dans son antre, ‘Lee reprit sa route. Elle souffla sur la couverture, dispersant l’épaisse poussière. Elle entreprit de le feuilleter tout en marchant afin de se rendre au réfectoire. Tout était écrit à la main, les pages couvertes de tâches de différentes couleurs. Lalee s’amusa à imaginer Pop’ écrire dans le livre tout en procédant à ses petites expériences. Dans la Grande Salle, prise dans sa lecture, elle ne vit pas Skill s’approcher d’elle. ‘Lee quitta le livre à regret.

 

-          Je te cherchais pour manger. Je ne te trouvais nulle part et… (Il fixa le gros recueil) Maintenant, je comprends mieux. (Il marqua un blanc) Eh mais ! Tu es entrée dans la caverne de Pop ?

-          Je cherchais de quoi occuper mon après-midi et je me suis retrouvée là-bas. On s’est finalement bien entendus.

-          Je ne pensais même pas qu’il était possible de tenir une conversation avec lui…, souffla Skill, les yeux ronds.

 

Sa remarque la fit rire. En entrant dans le réfectoire, les turquoises de Skill s’illuminèrent de plaisir. Il commanda pour Lalee d’humeur généreuse – comme toujours. On leur apporta deux plats de pâtes remplis à ras bord. ‘Lee se jeta dessus, dégustant chaque pâte. Elle n’en avait jamais mangé de sa vie. C’était nouveau et agréable pour son palais. De la sauce coula du coin de ses lèvres jusqu’à son menton. Elle l’essuya du bout de l’index qu’elle lécha goulument. Son ami, en face d’elle, esquissa un sourire en coin, le regard moqueur.

 

-          C’est d’être restée aussi longtemps avec Pop’ qui t’a donné faim ?, plaisanta-t-il.

-          Je n’ai pas mangé depuis ce matin., répondit la jeune fille entre deux bouchées.

-          Tu arrives à manger malgré le fait que je t’ai pété la mâchoire ?, ricana Britt derrière elle

-          Tu n’as pas à mieux à faire, Britt ?, intervint une voix reconnaissable entre toutes, Comme… préparer ta reco’ de cette nuit ?

 

Cole, apparemment énervé, s’installa lourdement près de son frère en lui volant son petit pain. Alors qu’il portait son trophée à ses lèvres, il s’arrêta en sentant le poids du regard de Lalee sur lui. Lorsqu’il voulut le soutenir, elle baissa aussitôt le nez, les joues rouges. Il reprit son geste sans un mot. Skill s’essuya la bouche avec sa manche et se mit de biais pour faire face à son ainé.

 

-          Tu ne devineras jamais ! Notre petite Lalee a réussis à attendrir le vieux Pop’ !, annonça-t-il la bouche en cÅ“ur.

 

Turner manqua de s’étouffer avec sa mie, éberlué :

 

-          Vraiment ?, réussit-il à dire, la toux passée.

 

Lalee apprécia son intérêt et sourit :

 

-          J’aime beaucoup ce qu’il fait ! C’est vraiment intéressant. Savais-tu que, si on s’y prend bien, on peut faire imploser quelqu’un ?

-          C’est ridicule., coupa court Cole, Les explosifs ne sont pas pour toi.

-          Il s’agit juste d’apprendre. Pourquoi le prends-tu comme ça ?, s’enquit presque calmement ‘Lee.

 

Cole abandonna son pain qui tomba devant lui, sur la table. Il croisa les doigts sous son menton à l’image d’un ministre prêt à faire une grande déclaration.

 

-          Les explosifs sont bons pour les fous. Tu vois Pop’ ? Il est cinglé, asocial. Oublie cette idée. Sans compter qu…

-          En gros, ce que cette brute essaie de te dire c’est : « Je m’inquiéterai pour toi si tu te lances là-dedans Â»., expliqua Skill, moqueur, en l’interrompant.

 

Cole le gratifia d’un regard venimeux avant de reprendre plus sèchement :

 

-          Elle fait ce qu’elle veut mais qu’elle ne vienne pas se plaindre ensuite quand il lui manquera un bras. Qu’importe ce qu’on lui dira, elle n’en fera qu’à sa tête.

 

Lalee ouvrit la bouche, indignée. Sentant la dispute pointer le bout de son nez, Skill fit de grands gestes pour l’endiguer :

 

-          Cette reconnaissance de nuit te feras le plus grand bien, frangin ! Tu ne feras pas de bêtises, hein ? Parce que, bon, l’équipe avec qui tu pars n’est pas non plus la plus talentueuse. Il ne faudra tuer aucun d’entre eux, d’accord ? Oh ! Et si tu me trouves une barre chocolatée en route, rapporte-la-moi ! Même si elle est périmée !

 

Cole ferma les yeux d’impatience tandis que Lalee se dépêchait de finir son assiette. Lorsque Skill commençait à déblatérer sur tout et n’importe quoi rien ne pouvait plus l’arrêter. Dès que la jeune fille posa son couvert, l’adolescent quitta la table et la tira par la manche.

 

-          Tu vas me montrer ce bouquin ! Suis-moi., la pressa-t-il en guettant la réaction de Cole.

 

Le plus âgé le toisa avant de reporter son attention sur ‘Lee qui eut à peine le temps de terminer son verre d’eau qu’elle était déjà emportée dans le sillage de Skill.

 

 

        Dans la chambre des Turner, les deux amis s’installèrent sur le lit de Skill, l’imposant livre à cheval sur leurs genoux. Lalee tournait les pages avec entrain, se rappelant des enseignements de Pop’ qu’elle fit partager à l’adolescent. Au bout d’une bonne heure, Skill l’arrêta d’un sourire :

 

-          Tu es sûre que tu as envie de te lancer là-dedans ?

 

Cette question força ‘Lee à réfléchir. Elle finit par hausser les épaules :

 

-          A vrai dire… Je ne sais pas encore. Depuis que je suis ici, c’est la première fois que quelque chose m’intéresse autant. J’ai envie de pousser un peu, de m’impliquer pour voir jusqu’où ça m’emmènera. Et c’est surtout la seule chose qui n’implique par la présence de Cole !

 

Skill ne put s’empêcher de rire avant de répondre :

 

-          Mais il n’a pas tort sur un point : c’est dangereux. Tu risquerais de tout faire exploser avec ta maladresse légendaire.

-          Dit-il ! N’est-ce pas toi qui ne peux pas t’empêcher de bidouiller des tas de trucs et de les faire exploser ?, sourit Lalee.

-          C’est parce que je suis frustré !, plaida Skill avec une moue, Tu ne peux pas savoir à quel point on s’ennuie enfermé dans ce trou à rats…

-          J’ai ma petite idée., admit son amie.

-          Quand je vois Cole partir en missions ou tous les autres si fiers, armés jusqu’aux dents, je me surprends à les envier. J’aimerai aller sur le terrain, me rendre utile ! Leur sauver la peau, même.

-          Devenir un héro ?

-          C’est idyllique…

-          Tu ne sors vraiment pas ? Tu as passé ces dix dernières années enfermé ?

-          Je ne sors jamais sauf en cas d’extrême nécessité et souvent de nuits. Les techniciens sont réputés pour leurs habiles quenottes. C’est mon cas. (il fit jouer ses doigts sous les yeux de Lalee) Mes mains ne sont bonnes qu’à ça. Sans elles, je ne fais plus rien. Je n’ai jamais tenu aucune arme de ma vie et je ne saurai pas m’en servir dans tous les cas. Mais je garde espoir !

 

Lalee apprécia profondément cet instant de confidences. Skill se dévoilait à elle ; il lui faisait confiance. Dans le regard turquoise apparut un soupçon de tristesse. L’enfermement lui pesait. La jeune fille n’avait aucun mal à imaginer son bonheur lorsqu’on l’autorisait à sortir, respirer l’air frais, sentir la brise sur son visage. Se sentir libre. Ces sensations-là, ‘Lee ne les ressentais que le matin en courant avec Cole. Elle n’en profitait malheureusement pas, tiraillée entre la douleur de ses muscles, la soif et la difficulté du terrain. Tout comme l’adolescent, elle aussi aspirait à sortir d’ici, et vivre comme elle l’entendait. Prit dans leurs rêveries, ils confièrent l’un à l’autre leurs espoirs d’avenir, ce qu’ils feraient une fois cette guerre terminée, où ils iraient. Curieusement, aucun des deux n’évoqua l’idée d’avoir une famille comme si cela leur était inconcevable. Skill se voyait déjà  pirater le futur réseau gouvernemental pour assurer ses propres finances. Amusée, Lalee lui ébouriffa tendrement les cheveux. Qu’importe les secondes, les minutes ou les heures, la jeune fille gardait toujours en mémoire les évènements fatidiques de ce dernier mois : l’incendie, la mort de ses parents, l’enlèvement de Sonnie … mais lorsqu’elle partageait ces instants détendus avec son ami, elle sentait son cÅ“ur s’alléger. Sa main quitta les cheveux bruns de l’adolescent et, dans un flash, elle se revit fracasser le crâne du soldat, dans cette ruelle. Sa paume se couvrit du liquide pourpre. Vivement, elle plongea sa main sous le livre en se rabrouant.

 

-          Cole part souvent en mission nocturne ?, fit Lalee pour changer de sujet.

-          Ca arrive de temps en temps. Un groupe ne part jamais sans un R-Alpha et comme Cole en est l’un des meilleurs, il est très souvent mandaté. (il s’arrêta, songeur avant de reprendre) Pourquoi tu me demandes ça ?

-          Comme ça., répondit net la jeune fille en manquant de crédibilité.

-          Tu t’inquiètes pour lui ?

-          Non ! Je m’en fiche. C’était pour faire la conversation.

 

Ils baillèrent de concert, les paupières lourdes. Somnolant à moitié, Lalee fut autorisée à rester dormir dans la chambre, Skill lui cédant son lit. Il emprunta celui de Cole, conscient que ce dernier préférerait à coup sûr qu’il ait servis pour son cadet et non pour ‘Lee. Dès que la lumière fut éteinte, ils sombrèrent tous deux dans un sommeil profond.

 

 

          Les rêves de Lalee furent liés aux explosifs. Dans l’un, elle courrait après sa petite sÅ“ur, enveloppée dans un gilet aux dynamites allumées. Dans un second, elle se retrouva engloutis par les flammes lors d’une déflagration et, enfin, l’incendie de son foyer fut remplacé par une bombe à retardement qu’elle fut incapable de désactiver. Elle se réveilla au milieu de la nuit, se pensant folle, entendant de nouveau les termes de Cole la prévenant que Pop’ avait finis par devenir fou lui-même. En une après-midi aurait-ce été le cas de la jeune fille ? Celle-ci se secoua la tête, convaincue que ce n’était pas le cas. Elle gigota dans le lit, enfonçant sa tête dans l’oreiller imbibé de l’odeur de Skill. Ce fut un baume pour ses sens ; elle se détendit, rassurée. Le monde de ses rêves en fut de même bien que mélancolique. Le visage de son père lui apparut longuement. Lalee était le portrait craché de son père : même chevelure auburn bien que le regard de son paternel soit d’un ambre plus doux et moins marqué. Le soleil brillait haut ; une journée d’été. Il portait sur son épaule son sac de maraudage. Il se tourna munis d’un sourire bienveillant, ouvrant les bras en attente de quelque chose ou de quelqu’un. ‘Lee s’entendit l’appeler. Elle bougeait, souhaitant se réfugier dans son étreinte. Plus elle avançait et plus la distance se fit grande ; elle faisait du surplace. Son père laissa retomber ses bras, lui sourit une dernière fois et tourna les talons, s’éloignant encore plus. Lalee héla son nom, le supplia de ne pas partir. Alors, elle se réveilla en sursaut.

 

        Elle fit un effort pour retrouver son souffle, moite. Elle s’assit au bord de son lit, se frottant le visage pour s’éclaircir les idées. Faisant de son mieux pour ne pas réveiller Skill, elle rejoignit la salle de bain afin de s’asperger d’eau. L’eau froide lui mordit la peau mais lui fit étrangement du bien. Elle s’appuya contre le lavabo, examinant ses mains. Elle les retourna plusieurs fois, ne s’étonnant plus de la vision sanglante. La jeune fille affronta ses paumes pourpres, se demandant ce que son père aurait pensé de son acte. N’était-elle pas une meurtrière ? Il n’y aurait eu, dans le regard de son père, que de la déception. Jugulant la douleur de son cÅ“ur, elle inspira profondément : elle ne saurait jamais ce qu’il en aurait pensé. En regagnant son lit, elle trébucha et se cogna contre un mur. Le bruit sourd fit sursauter Skill qui s’assit dans son lit en catastrophe. Lalee se figea, en équilibre sur un pied. L’adolescent marmonna, les yeux mi-clos avant de se laisser lourdement retomber dans le matelas. La jeune fille sourit. On pouvait dire que son ami avait le sommeil lourd.

 

 

Après le petit-déjeuner, abandonnant Skill, Lalee se rendit au bureau des explosifs. Elle était bien décidée à prouver à Cole – et à elle-même – qu’elle était capable d’exceller dans un domaine. Elle y mettrai toute sa volonté … et sa patience.

 

 

 

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