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Gabrielle

        Aucune lumière ne filtrait via les volets fermés, mais lorsque Gabrielle s’éveilla, elle se devina qu’il était le matin. Elle sentait la fraicheur sur ses joues et son nez. Elle se frotta les yeux, cherchant ensuite à s’étirer mais son coude rencontra une surface dure et chaude. Elle s’immobilisa, déconfite. La jeune femme se rappela alors qu’elle s’était endormie sur la paperasse, sidérée du temps que prenait les recherches. Le nom de Sonnie n’était apparu nulle part pour le moment. Elle tâtonna sur sa gauche, cherchant sur quoi elle s’était appuyée pour dormir. Lorsque sa main toucha une surface rêche, un grognement s’éleva à coté d’elle :

 

-          Evite cet endroit.

 

Gabrielle enleva aussitôt sa main, se rendant compte de son geste déplacé. John se leva, lui ôtant sa principale source de chaleur. Elle l’entendit se déplacer vers les fenêtres dont il ouvrit les volets. La lumière vive du jour força les deux jeunes gens à fermer les yeux. Une fois sa vue retrouvée, Gabrielle remarqua qu’elle était recouverte d’un plaid. Braham sortit son paquet de cigarettes de sa poche et en alluma une. Sans un mot, il entra dans la cuisine d’où elle entendit le démarrage de la cafetière. Gabby se leva, marchant par mégarde sur les innombrables listes sur le tapis. Elle intégra à son tour la cuisine où elle observa John servir le café. Il ne devait pas avoir beaucoup dormit au vu de ses yeux fatigués.  

 

-          Bien dormis ?, lui demanda-t-il munis d’un sourire.

-          Excuse-moi pour… le réveil., répondit-elle.

 

Il rit avec bonne humeur :

 

-          Curieusement, j’apprécie d’être réveillé comme ça ! Tu devrais le faire plus souvent.

 

Gabrielle le gratifia d’un regard venimeux. Elle s’appuya contre le comptoir en goûtant le café avec plaisir. John ouvrit un placard au-dessus d’elle et en tira une boite de biscuits. Il lui en proposa un qu’elle refusa avec politesse.

 

-          Je pensais que trouver le nom de Sonnie dans ces tonnes de listes serait moins long., avoua Gabby après d’autres gorgées de la boisson brulante, Je n’aime pas finir bredouille…

-          Je l’ai trouvé., lui lança John innocemment en grignotant son biscuit sec.

 

Gabrielle lui agrippa le bras d’espoir, le dévisageant de ses grands yeux saphirs.

 

-          Et quand comptais-tu me le dire !, le sermonna-t-elle.

-          Je viens de le faire !

 

Elle lui prit le poignet et l’attira de force dans le salon où elle lui ordonna de lui donner la liste en question.

 

-          Doucement, doucement., calma Braham.

 

Il prit une feuille sur le divan. Il eut à peine le temps de la lui tendre que déjà la jeune femme la lui arrachait des mains.

 

-          Troisième nom en partant du bas., l’informa le jeune homme.

 

Le Lieutenant baissa les yeux immédiatement sur le bas de la feuille et le nom lui sauta aux yeux « Sonnie, femme Â».

 

            Bravo ! Tu as bien agis !

 

Avec appréhension, elle se renseigna sur le sigle de couleur qui lui était attribué.

 

            Le sigle vert !

 

Elle retrouva son souffle, desserrant ses doigts du papier qui avait finis froissé sous sa crispation. Sans attendre, elle se précipita vers la penderie pour récupérer sa veste. John s’interposa très vite :

 

-          Ola, ola ! Prend d’abord le temps d’y réfléchir !

-          Les prisonniers partent sur Antony avant d’être transférés vers d’autres campements. J’ai une chance d’arriver à temps si je me dépêche.

-          Ca fait trois jours qu’elle a été déportée et tu n’as aucune permission. Je te rappelle que tu es en période de sanction.

Gabby resta immobile, un bras dans une manche l’autre se balançant mollement près de sa hanche.

 

-          J’avais oublié…, souffla-t-elle.

 

La jeune femme réfléchit rapidement :

 

-          Mais je viens d’enchainer quarante-huit heures de garde. J’ai le droit à un jour de perm’.

-          Ca ne marche pas comme ça. Ils sont décidés à te faire payer tes erreurs sur le terrain, tu le sais., tenta de la raisonner John, Ils doivent déjà être à ta recherche à l’heure actuelle.

-          On est quel jour ?

-          Samedi.

 

Gabrielle jugula un juron. John termina son café et sa cigarette qu’il éteignit grâce au fond qu’il restait dans la tasse.

 

-          Sois raisonnable.

-          Je perds du temps !, rechigna tout de même Vincens.

-          Arrête d’agir sans réfléchir !, finit par hausser d’un ton John, Bon sang, agis calmement comme d’habitude. Tant qu’elle ne quitte pas la France, tu as une chance. Mais je t’en supplies ! Pas de folie, que de la discrétion !

 

Gabrielle quitta John sur ces mots, malgré tout, pleins de bon sens. Dès qu’elle eut rejoint la zone des soldats, elle fut rapidement rejointe par le lieutenant-chef qui ne tarda pas à l'asséner d'exercices difficiles. Elle n’eut aucun moment de répit durant la semaine que dura la sanction. Chaque jour, dès qu’elle avait une minute à elle, le soir dans son lit, la jeune femme dépliait la liste qu’elle avait gardé près d’elle et fixait le nom de Sonnie ainsi que le sigle vert, espoir qu’elle soit toujours en vie et, avec un peu de chance, non loin d’ici. Mais chaque heure comptait, elle le savait. A chaque minute, une distance pouvait se creuser entre elles.

 

       Lorsque le lundi suivant sonna, Gabrielle se dépêcha de demander une permission à son supérieur hiérarchique. Sa demande fut très mal accueillie mais au vu de son temps libre et de ses absences de garde à venir ou d’autres opérations, elle pouvait se permettre une journée de congés. Durant ces dernières années, Gabby n’avait prit aucune permission au point qu'elle finissait par être supprimée à chacun des renouvellements. Elle dut attendre une bonne heure avant qu’on lui donne le papier officiel certifiant de son absence autorisée. En le parcourant rapidement, Vincens plissa un instant les yeux en constatant que c’était le colonel Bellingam qui avait signé son avis de sortie. Elle se convainquit qu’il devait s’agir d’une procédure habituelle, celui qui avait ordonné la semaine de labeurs devant préciser que le principal concerné n’était plus de corvées.

 

      Une fois sortis du régiment, ayant délibérément gardé son uniforme sur elle, Gabrielle enfourcha sa moto et démarra très rapidement. Sa bécane fila plus rapidement qu’elle ne l'aurait souhaité sur la route, empruntant les grandes avenues pour gagner du temps. Son casque noir reflétait les grands immeubles devenus miteux au court des années. Elle était seule à rouler, les civils ne risquant pas de les parcourir d’autant plus que la conception d’avoir un véhicule à eux n’étaient devenu qu’utopique. Les Résistants et les pilleurs démembraient les voitures aux abords des routes, récoltant les pièces pour le marché noir ou pour créer du matériel de pointe. Le Lieutenant ne pouvait pas s’en émouvoir ; actuellement, ça l’arrangeait. Elle joua sur les vitesses, et accéléra de plus belle profitant de l’agréable sensation de rouler aussi vite. Une sensation de liberté qui lui était rare. Elle entreprit un virage serré, son genou frôlant le sol. La jeune femme apprécia l’adrénaline, redressant sa moto d’un mouvement aguerris digne d’un pilote de course. Elle passa par Cachan, et suivit la direction de Massy-Palaiseau. Antony n’était plus très loin.

 

       Elle rencontra un barrage militaire lorsqu’elle voulut aborder une rue pour se garer près de la station. Les soldats s’avancèrent devant les barrières, lui bloquant l’avancée, Famas en main. Ils prirent connaissance de l’uniforme kaki que portait la nouvelle venue, et parurent se détendre. Gabrielle posa un pied au sol et ôta son casque. Son front perlait de sueur. Elle chercha dans la poche intérieure de son uniforme son passe d’identification qu’elle leur tendit ensuite. Si elle l’avait pu, elle leur aurait sourit pour paraitre plus amicale et rassurante. Elle restait néanmoins consciente que cette tentative n’aurait été qu’un échec, ses lèvres esquissant une grimace si elle l’avait osé. Elle ne savait pas sourire et, Sonnie en tête, elle n’était pas d’humeur à faire du charme. La Première Classe parla dans son talkie-walkie afin de se renseigner sur l’identité du Lieutenant. Assuré que c’était bien elle, il le lui rendit mais n’ordonna pas l’ouverture du barrage.

 

-          Nous n’étions pas informés de votre venue, mon Lieutenant., lui dit-il.

-          Je me suis entretenue avec le major West., lui répondit-elle posément, forçant la sincérité, Il est susceptible qu’un de vos détenus soit impliqué dans un complot qui ait conduit à la décimation de mon unité. Je mène une enquête pour obtenir des aveux… musclés.

-          Je n’ai pas eu vent de cette histoire., trancha sèchement son interlocuteur.

-          Il est évident que ce genre d’informations ne circulent pas. Il ne manquerait plus que l’armée se transforme en chasse aux sorcières. Bien sûr, je compte sur vous pour ne pas l’ébruiter.

 

Gabby le laissa assimiler ses propos. Elle avait consciencieusement insinué qu’un Résistant avait fomenté un complot avec un membre de l’intérieur. Bien que cela ne soit que pure vérité du point de vu de Vincens, il n’en restait pas moins qu’elle n’avait aucune preuve. Toutefois, ce soupçon et la possible gravité de ces accusations inciterait le soldat à accepter plus facilement qu’elle parcourt la station librement. Le Première Classe plissa le front. Il pinça les lèvres, toisant sans vergogne la jeune femme et ordonna qu’on lève la herse. Gabby hocha le menton, le remerciant de sa compréhension et remit le contact. Souhaitant se garer non loin de l’entrée de la station, elle ne prit pas la peine de remettre son casque. Elle s’arrêta sur le trottoir, prenant soin d’assurer l’équilibre de sa bécane à l’arrêt, et gravit les marches de la place d’où elle s’engouffra aussitôt dans la station de métro.

 

   L’air fut plus lourd, plus tenu. L’atmosphère dérangeante. Gabrielle s’approcha des sentinelles. Elle expliqua brièvement sa venue une nouvelle fois. Ils parurent plus enclins à la laisser passer. Dans tous les cas, une fois qu’elle passerait la zone d’entrée, la jeune femme serait dans un véritable nid de loups si jamais elle faisait le moindre geste suspicieux. N’étant toutefois pas en service direct, ni un soldat se chargeant des déportations, il lui fut demandé de donner ses armes. Gabby coopéra. Elle leur confia son Sig Sauer, son couteau qu’elle gardait dans sa rangers et ses chargeurs. Désarmée, elle put passer la sécurité. Gabby assura son béret sur le sommet de son crâne, bien déterminée à guetter les détenus et à trouver une petite fille aux yeux d’ambre. Elle passa une deuxième sécurité avant d’arriver à ce qui lui fit manquer un souffle. Tout l’énorme espace auparavant dédié aux changements des citoyens pour prendre d’autres lignes était désormais occupé par une foule de prisonniers parfois décharnés. Le nombre était presque surréaliste, la jeune femme se questionnant sur comment cette foule pouvait tenir aussi serrée. Vincens se dit que si quelqu’un préparait une rébellion, les gardes pourraient être rapidement ensevelis et battus à mort. Mais, lorsqu’elle leva les yeux, elle perçut des hommes armés sur d’énormes palissades métalliques accrochées depuis le plafond. Non, les gardes avaient une sécurité renforcée. Le moindre mouvement de la masse humaine serait endiguée sous une rafale de balles venant du ciel. Si jamais elle trouvait Sonnie ici, Gabrielle devrait prendre cet aspect en considération. La sécurité était importante, rien que pour passer les trois sécurités de l’entrée. Intégrer la station sous couverture la forcerait à donner ses armes au préalable. Elle devrait donc se fournir de l’intérieur si jamais elle remettait les pieds ici en opération désespérée. De rapides coups d’œil à droite à gauche, elle assimila les positions de chaque garde, de la densité des prisonniers et de la fréquence des patrouilles tournant en s’engouffrant dans les tunnels. Elle finit par se rabrouer. Mais à quoi pensait-elle ?

 

 

      Les hautes statures des hommes, prisonniers, l’empêchait de détecter la moindre silhouette enfantine et si elle osait se mêler à la foule, en uniforme, certains n’hésiteraient pas à la piétiner. Un ordre retentit d’au-dessus, annonçant un mouvement brusque de certains prisonniers, ameutés par les poussées musclés des gardiens, titillant les dos du canon de leurs fusils. Gabrielle se recula soigneusement dans un coin. Une déportation allait se faire, les voyant en file compacte, descendre les escaliers d’une voie. Un des résistants, un homme baraqué, tenta de se débattre mais la crosse d’un Famas vient le cueillir à la tempe et le dissuada de continuer. Se faisant, d’autres hommes s’insurgèrent et se mêlèrent à la débandade. Quelques balles y répondirent, intraitables. Les femmes s’affolèrent, cherchant à reculer au lieu d'avancer, terrifiées à l’idée de se retrouver fusillées à leur tour. Se faisant, une chevelure blonde bouclée apparut parmi elles. Gabrielle ouvrit les yeux, jugulant un hoquet, sortant de l’ombre. Elle l’avait vu. Elle n’avait aucun doute. La jeune femme longea le mur, guettant les boucles de Sonnie. Mais la masse ne cessait de bouger, des corps tombés et piétinés.

 

            Eloigne-toi, éloigne-toi que je puisse te voir !

 

La silhouette de Sonnie se débattit de ses petits coudes pour éviter l’étouffement, sortant la tête de sous un jupon pour prendre une goulée d’air. Son visage de poupon gardait les sinuosités de larmes séchées. L’adrénaline monta d’un cran dans ses veines ; Gabrielle fut prête à se jeter dans la foule pour la tirer et la sortir de là. Mais sa raison l’en empêcha. Sonnie tomba à quatre pattes et avança à tâtons. De loin, Gabby suivit son avancée, se penchant parfois pour ne pas la perdre de vue. La petite fille se prit un coup de genou par mégarde. Stupéfaite d’abord, Sonnie s’assit, frottant sa joue endolorie avant de fondre en larmes. Ses cris et ses sanglots brulèrent le cÅ“ur de Gabrielle.

 

-          Je veux Lalee ! ‘Lee !, hurlait l’enfant, Où est ‘Lee !

 

Parfois, un sanglot étouffait ses appels, sa gorge émettant un bruit douloureux, la coupant dans ses pleurs avant de reprendre plus fort. N’y tenant plus, Gabrielle fit un pas pour la rejoindre. Seulement, elle fut devancée par deux gardes qui saisirent Sonnie par le poignet, la forçant à se relever et à suivre les déportés. Gabby joua des coudes à son tour, gardant les yeux rivés sur la petite fille qui n’avait d’autres choix que de suivre les deux adultes qui la malmenaient. Trop concentrée à appeler et pleurer, So’ ne tourna pas une seule fois la tête vers Gabrielle, au grand damne de celle-ci. Par vanité ou pour rassurer la petite, le Lieutenant aurait aimé que Sonnie sache qu’elle était là. Pour elle. Qu’elle ne l’avait pas abandonné. Qu’elle devait rester forte. Toutes les résolutions de soldat la désertèrent. Gabrielle ne voulait plus que répondre aux cris de So’ pour l’emporter loin d’ici, des horreurs des déportations. De la République. Vincens avait espéré que revoir l’enfant lui permettrait de se concentrer de nouveau sur son devoir en tant que républicaine, mais ce fut l’inverse. A cet instant, elle se fichait de la République, de la Résistance – qu’importe ! ; elle voulait juste aider Sonnie. Mêlée aux déportés qu’ils ne la remarquaient pas, Gabby descendit avec eux, s’essayant à remonter le courant humain pour s’approcher de plus en plus de Sonnie. Le soldat qui la tenait n’était plus qu’à portée de mains. Si le Lieutenant tendait le bras pour le saisir à la gorge, il lui serait facile de lui briser la nuque et de lui reprendre la petite. Un coup d’épaule d’un prisonnier l’obligea à se décaler, et elle fut rapidement emportée sur la gauche. Elle percuta un autre résistant déchu. Par instinct, il la rattrapa mais la lâcha aussi vite comme s’il venait de toucher du fer brûlant. Il voulut enserrer sa gorge de ses deux énormes mains, en dernière vengeance désespérée mais Gabby les lui saisit tant bien que mal, lui tordant les poignets, ses pouces enfoncées dans leurs creux. Il glapit. Consciente qu’il n’en serait que plus furieux, Gabrielle maudit ses reflexes de soldat des Forces Spéciales. Elle n’eut d’autres choix que de redoubler d’efforts pour se sortir de là. Elle manquait de souffle, tellement serrée par la foule qu’elle lui appuyait sur la poitrine. Elle leva la tête du mieux qu’elle put, vaine tentative de récupérer une inspiration bienfaitrice. La jeune femme partit en avant sous une bousculade et plongea dans un étau infernal. Des soldats devaient, à l’arrière, forcer à avancer plus vite. Pour la première fois, Vincens se retrouvait à la place des prisonniers. Commençant à perdre patience, et rencontrant un nouveau sentiment dérangeant, Gabby finit par entrer dans une optique de force brute. Le Lieutenant donna un coup dans les tibias du prisonnier devant elle, profitant de l’ouverture pour s’y engouffrer. Elle poussa sans ménagement les deux femmes, bondissant de nouveau. Mais Sonnie n’était plus en vu. Elle tendit l’oreille malgré le boucan, et se repéra aux « Lalee Â» ou « Lee Â». Elle glissa sur la droite. Soudainement, la masse se dégorgea de peu, entrant sur la voie où attendait le serpent mécanique, sinistre. Sans attendre, les prisonniers intégrèrent les wagons. Les premiers étaient déjà pleins, les prisonniers ridiculement collés contre les vitres, plaqués contre elles. Au huitième compartiment, Gabrielle aperçut de nouveau Sonnie. La petite finit par lever les yeux vers elle, aveuglée par les larmes. La jeune femme s’approcha tant bien que mal dans le but de lui être mieux visible. Elle ôta son béret pour retrouver l’image identique d’il y a plus d’une semaine, lorsqu’elles s’étaient rencontrées. Cela parut fonctionner. So’ arrêta de sangloter, se contentant de renifler, dévisageant Gabrielle en nage. Les deux saphirs bordés de cils noirs se rivèrent dans les yeux ambrés, en un échange silencieux. Gabby souhaita lui transmettre autant de courage que possible, priant pour que So’ comprenne qu’elle n’était pas perdue. La petite fille émit alors un sourire. Un sourire plein d’espoir. Vincens sentit son cÅ“ur se réchauffer, sa poitrine se serrer.

 

            Tu m’as reconnu…

 

Sonnie fut entrainée dans le huitième wagon, mais elle ne lâcha pas du regard Gabby. Lorsque le Lieutenant voulut la rejoindre pour serrer sa petite main dans la sienne, on lui agrippa l’épaule.

 

-          Mon lieutenant ?, fit un soldat.

 

Gabrielle perdit de nouveau Sonnie. Son visage s’assombrit, reprenant sa sévérité.

 

-          Où part ce train ?, demanda-t-elle froidement en se dégageant sèchement de la prise du soldat.

-          Vers Bobigny, mon Lieutenant. Ils travailleront dans l’usine de fluctuation d’énergie bionique.

 

Gabby s’en inquiéta. Pour une petite fille de faible constitution, les effluves toxiques de l’énergie aurait tôt fais d’avoir raison d’elle. Le Lieutenant resta plantée là, immobile. La voie finit par être déserte. Gabrielle regarda le train avancer dans l’ombre du tunnel, le visage de marbre. Elle posa une main sur sa poitrine douloureuse, ne connaissant pas cette dure sensation de perte et de culpabilité. Toutefois, elle était bien résolue à retrouver de nouveau Sonnie mais dans le but de la délivrer pour de bon, cette fois-ci. Quitte à mourir sous les tirs de ses compatriotes, elle jura d’au moins sauver la petite fille. 

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